DRC: L’eau potable – Un quotidien au féminin

Au début du projet, les femmes n’étaient pas représentées dans les réflexions concernant le secteur. Mainte-nant, elles jouent un rôle déterminant. (Gertrude Biaya, Point focal Genre au Cadre de Concertation du Secteur de l’Eau, l’Hygiène et l’Assainissement, CSEHA)

Dans la République Démocratique du Congo (RDC), les femmes et les filles sont responsables de l’alimentation en eau des ménages. La perception du rôle de la femme par rapport à la corvée de l’eau est liée en grande partie aux considérations socioculturelles et à la division sexuelle du travail. La femme adulte est responsable à 78% de l’ali-mentation en eau potable des ménages défavorisés, et les filles de moins de quinze ans à hauteur de 11%. Seule-ment 8% sont à la charge des hommes adultes et 3% des garçons de moins de quinze ans. L’indice de l’inégalité des genres en RDC est de 0,7, soit le rang mondial 147 sur 152 (PNUD, 2013). La société kasaïenne est traditionnelle et la répartition des tâches et des métiers reste sexospécifique. Le revenu mensuel moyen au Kasaï Oriental des femmes est de 17$, alors que celui des hommes est de 29$.

Les femmes sont marginalisées lors de la prise de décisions relatives aux initiatives liées à l’accès à l’eau potable. Or, en tant que premier acteur de l’approvisionnement domestique en eau potable, leur implication active et équi-table avec les hommes est vitale pour le développement durable du secteur. C’est pourquoi, le projet RESE (Appui à la Réforme du Secteur de l’Eau) a voulu que tous les membres de la communauté, et en particulier les femmes, soient impliqués à tous les niveaux dans le développement du secteur.

L’implication de la femme dans les organes décisionnels du secteur de l’eau dans la province du Kasaï Oriental

La création d’une organisation qui rassemble des représentants des différentes institutions autour d’une table est une réponse à la faiblesse des structures étatiques, et aux conflits de pouvoir/d’intérêts entre les acteurs. Elle per-met de promouvoir la concertation et la collaboration interministérielle. C’est dans cette perspective que le Gou-vernement de l’ancienne province du Kasaï-Oriental a créé un Cadre de Concertation du secteur de l’eau, de l’hy

giène et l’assainissement (CSEHA) en 2012. Le cadre sert ainsi d’outil de la conduite collective du processus de la réforme et permet en même temps la recherche commune des solutions pour les problèmes quotidiens de l’appro-visionnement en eau de la population.

Avec la démarche participative, il a fallut considérer la représentativité des acteurs en tenant compte de la société civile, de la représentativité des femmes et du secteur privé. Les craintes de trop complexifier la plateforme ont vite été dissipées par la richesse des apports de ces nouveaux membres. Aujourd’hui, personne ne voudrait se priver de l’expérience de tous, et notamment celle des femmes.

L’implication des représentants des femmes a également permis de rendre les décisions de développement dans le secteur plus sexospécifique. Au sein du Cadre de Concertation, il existe une unité genre qui a pour mission de veil-ler à la prise en compte des aspects genre dans toutes les décisions de celui-ci. Ainsi, les premiers pas vers une bonne gouvernance et le respect du genre à l’accès à l’eau potable et l’assainissement ont été réalisés. Le chemin à parcourir pour garantir la durabilité des actions reste encore important et les obstacles nombreux mais les fonda-tions sont désormais solides.

Le Gouvernement de la Province du Kasaï Oriental et le Projet RESE ne se sont pas contentés d’appliquer des mé-thodologies standardisées. Tous deux ont vite compris que pour avoir une vision partagée entre tous les protago-nistes, il fallait donner un large espace à l’écoute et la compréhension mutuelle, trouver des solutions adaptées et concertées. Aussi, il a fallut que l’ensemble des intervenants accepte de rompre avec les idées conventionnées et réinventer des nouveaux schémas de penser, par exemple sur le concept du genre.

« Avec la GIZ, le vrai change-ment a été l’implication de tout le monde et surtout des femmes dans la création du Cadre de Concertation » (Angel Musau)

« La GIZ est allée vers les femmes pour leur permettre de s’impliquer dans le travail du Cadre de Concerta-tion. » (Thérèse Mitendu)

Le RESE : Nos objectifs et approches

Notre Indicateur: « Les aspects du genre sont pris en compte dans les décisions de la plateforme de concertation de la Province du Kasaï Oriental ». L’intégration des aspects genre dans le cadre de concertation est effective. Pour atteindre cet objectif, le projet a:

 – Identifié des acteurs clés nécessaire au CSEHA, en particulier de l’unité Genre;

 – Procédé en collaboration avec le CSEHA à une identification spécifique des acteurs féminins et compé-tents travaillant dans le secteur;

  • Intégré ces acteurs dans le Cadre de Concertation;

 – Sensibilisé les membres du CSEHA sur le concept du genre;

 – Sensibilisé la population sur le concept du genre à travers la célébration des journées mondiales de l’eau et de la femme avec des ateliers, pièces de théâtre, campagnes public, affiches, campagnes ra-dio, etc.

« L’exclusion sociale, avec la non-accessibilité de certaines catégories de personnes à des biens et services, l’exis-tence de trappes à pauvreté qui pénali-sent les femmes et maintiennent leurs enfants en situation de pauvreté, empê-chent la transmission équitable des capa-cités d’une génération à l’autre. » (A la recherche du développement socialement durable: concepts fondamentaux et prin-cipes de base, Jérôme Ballet, Jean-Luc Dubois et François-Régis Mahieu, 2004)

« La GIZ apporte beaucoup sur la compréhension du concept du genre surtout dans notre province où l’homme considère la femme comme une chose. » (François Lu-bala, Chef du bureau eau)

Pour libérer les forces vives en particulier des femmes et des filles permettant d’améliorer sensiblement les condi-tions de vies des hommes et des femmes, l’implication des hommes dans l’approvisionnement des foyers en eau potable est une condition incontournable dans la création collective de richesses.

La Stratégie sectorielle de développement

La préoccupation suivante pour permettre au Cadre de Concertation de jouer pleinement son rôle de coordination du secteur de l’eau, est de se doter de quelques instruments organisationnels, de gestion et de plani-fication. Déjà, il dispose d’une planification interne. Cependant, il lui faudra une stratégie de développement durable du secteur afin d’assoir ses orientations politiques. Cette stratégie devra prendre en considéra-tion les éléments économiques, sociales et écologiques, afin de prévenir la création d’inégalités et de situations d’exclusion sociale, de même que la fragilisation des identités et la destruction des cohésions sociales.

Afin de permettre aux populations bénéficiaires de participer au déve-loppement de leur environnement de vie et de garantir à travers eux la pérennisation des investissements, le Cadre de Concertation développera également une stratégie de communica-tion et d’implication des populations, et particulièrement des femmes. Cette stratégie respectera les conditions budgétaires du Cadre de Concertation afin de lui préserver une autonomie dans la gestion de ses actions.

Le Cadre de Concertation pourra servir d’exemple à de nombreuses autres provinces pour assurer une gestion et un développement intégrés du secteur de l’eau. Au lieu de subir les interventions extérieures, le pouvoir provincial et ses populations deviendront des acteurs actifs et avertis. Ils pourront manifester leurs besoins, donner des orien-tations stratégiques, demander des comptes et s’assurer de la durabilité des investissements.

 

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