Madagascar: Reinsertion professionnelle des femmes marginalisees dans le secteur minier a Madagascar

CONTEXTE
Le Programme d’Appui à la Gestion de l’Environnement de la Coopération Allemande (PAGE/GIZ), lancé en 2015 a choisi le secteur de l’environnement comme domaine d’intervention. Il regroupe cinq composantes dont (i) la protection et utilisation durable des ressources naturelles, (ii) la diffusion et la professionnalisation des chaînes de valeurs relatives à l’énergie biomasse, (iii) le renforcement du cadre politique, juridique et institutionnel pour l’utilisation durable des ressources naturelles, (iv) l’intégration de la durabilité écologique et sociale dans l’exploitation minière artisanale et (v) la réduction des effets du changement climatique sur le développement durable de Madagascar.

Relatif à la composante qui traite le secteur minier artisanal, une partie de ses activités a été cofinancée avec le gouvernement australien dans la région de l’Atsimo Andrefana (Sud-Ouest de Madagascar). Elle a comme principal objectif d’améliorer les conditions du secteur mine artisanal de telle sorte qu’à moyen terme, les normes du commerce équitable, y compris les orientations sociales et écologiques locales puissent être respectées. La prise en compte de la dimension genre constitue l’une des principales préoccupations de cette composante. C’est dans ce sens que différentes activités relatives à la promotion du genre ont été entreprises.

Incontestablement, la région Atsimo Andrefana regorge une potentialité minière importante tant pour l’exploitation artisanale que pour l’exploitation industrielle. Une société minière appelée Toliara sands est actuellement en phase de développement pour l’exploitation d’ilménite dans le Nord de Toliara. Concernant l’exploitation artisanale, des sites d’exploitation de saphir se trouvent un peu partout dans les communes avoisinant le Parc National de Zombitse Vohibasia et constituent une menace pour la préservation de cette Aire Protégée.
Malgré cette richesse en sous-sol, la paupérisation accrue de cette Région reste palpable, d’où son rang en terme de développement occupant les dernières places par rapport aux autres Régions de Madagascar. Sur le plan social, l’inégalité de chance de s’épanouir socialement et économiquement est très marquée dans cette Région. Les femmes n’ont pas leurs mots à dire quand il s’agit d’un processus de prise de décision. A titre d’exemple, la vente des pierres précieuses de très haute valeur est toujours confiée aux hommes tandis que les femmes se résignent dans la vente des petites pierres. En outre, dans les communes avoisinant la future exploitation de Toliara Sands, on remarque que plusieurs jeunes femmes sont contraintes d’abandonner leurs études, soit à cause de l’incapacité financière des parents, soit à cause d’un mariage précoce ou des grossesses non désirées.
En vue de donner une chance aux femmes d’avoir sa véritable place dans la société en améliorant leurs conditions économiques, la composante mine artisanale a pris l’initiative de travailler avec quelques femmes identifiées avec les Autorités communales en mettant en oeuvre quelques activités en vue de développer leurs capacités. Les paragraphes suivants relatent ces activités entreprises ainsi que les résultats obtenus.

APPROCHE
Les critères de choix des personnes cibles sont différents selon les communes présentant des activités minières artisanales et dans celles abritant les grandes compagnies minières.

Pour les communes avoisinant la future exploitation de Toliara Sands, le principal objectif est de préparer les riverains à la venue imminente de cette exploitation et d’en créer des activités connexes au profit de la venue de cette exploitation. Compte tenu du niveau d’enseignement des femmes, il est très difficile de les intégrer directement dans les activités minières. De ce fait, il serait profitable pour elles de tenter leur chance dans des activités secondaires mais utiles à l’implantation de cette compagnie minière. Etant donné que les communes avoisinant cette exploitation se situent aussi près des sites très prisés par les touristes, les femmes contactées ont exprimé leurs besoins de renforcement de capacité sur le secteur tourisme et la restauration. Ces besoins exprimés correspondent à une activité connexe de Toliara Sands. En effet, les compagnies minières ont aussi besoin des personnes qui vont assurer la restauration de ses ouvriers, le nettoyage et le rangement de leurs bureaux et bases. C’est dans cette optique que des formations sur les techniques d’hébergement et de restauration ont été décidées ensemble et conduites avec des jeunes femmes ayant le diplôme de BEPC (Brevet d’Etudes du Premier Cycle) et qui n’ont plus la possibilité de poursuivre leurs études. Dix (10) jeunes femmes issues des deux communes impactées par l’exploitation de Toliara Sands ont été retenues pour cette formation. Trois (3) d’entre elles ont réussi le concours d’entrée dans un centre de formation professionnelle de renommé en terme de tourisme et de l’Hôtellerie « LA RIZIERE », tandis que les 7 autres ont bénéficié des formations en cuisine et restauration.
Par ailleurs, dans les trois communes d’intervention où on pratique l’exploitation de saphir d’une manière artisanale, les femmes travaillant dans le secteur sont considérées comme vulnérables tandis que les artisans miniers vivent souvent dans une situation précaire. Les principales raisons de ces situations sont la dépendance financière totale des artisans miniers auprès des démarcheurs (ou sponsors) rajoutée de la méconnaissance des pierres précieuses et leurs véritables prix. Dans la pratique, les artisans miniers rejettent à l’eau les pierres précieuses autre que le saphir en les jugeant comme sans beaucoup de valeur. Aussi, le renforcement de capacité sur la connaissance des pierres précieuses est vivement souhaitée par les artisans miniers et en guise d’activité génératrice de revenu, les femmes ont demandé une formation en lapidairerie simplifiée et production de bijoux de fantaisie. En tout, 30 femmes issues des trois communes d’intervention ont pu bénéficier de deux séries de formation en lapidairerie et production de bijoux de fantaisie tandis que 173 artisans miniers dont 75 femmes ont pu profiter de différentes séries de développement de capacité en gemmologie simplifié.

RESULTATS ET ACQUIS
Relatif à la formation des 3 jeunes femmes ayant suivi la formation sur l’Hôtellerie et l’Hébergement, deux d’entre elles ont été recrutées par le centre de formation lui-même grâce à leurs performances et leurs conduites. La troisième jeune femme a été embauchée par un grand Hôtel de renommé à Fianarantsoa. Ce qui démontre la volonté de ces jeunes femmes à remonter la pente avec un petit coup de pouce

En outre, 2 des 7 femmes ayant suivi la formation en cuisine et restauration ont été recrutées par une autre composante du PAGE/GIZ (protection et utilisation durable des ressources naturelles) pour former les groupes d’accueil dans le cadre de la promotion du tourisme dans une Aire Protégée gérée conjointement avec la population locale en l’occurrence l’Aire Protégée Tsinjoriaka. En tout, 08 membres du groupe d’accueil de cette Aire Protégée dont 07 femmes ont été formés. Ce recrutement a été entrepris dans l’objet de capitaliser les acquis des femmes formées et au vu de leurs capacités de transfert de connaissance. Deux évaluations ont été effectuées avant et après les interventions des deux femmes. Après la formation, les évaluateurs ont pu constater une nette évolution de ces comités tant sur la préparation des nourritures que sur le respect de la propreté. Cette constatation témoigne une nette amélioration relative à la considération des femmes. En fait, comme mentionné dans les paragraphes précédents, les femmes ne sont pas vraiment considérées dans la Région Sud-Ouest de Madagascar. Recruter deux jeunes femmes pour former des adultes composées d’hommes et de femmes relève un défi social exceptionnel dans notre zone d’intervention. Mais les résultats affichent que la formation s’est bien passée et que les deux jeunes femmes pouvaient bien transmettre leurs connaissances : donc elles sont écoutées et respectées. Cette acceptation des avis des femmes a été aussi enregistrée dans les dialogues sur les mines artisanales après l’intervention d’un Consultant Australien en charge de la prise en compte de la dimension genre dans le secteur mine artisanale et l’identification des besoins des femmes en terme de renforcement de capacité.


On peut noter également une complémentarité des interventions entre les différentes composantes du PAGE/GIZ. En effet, ces jeunes femmes se sont préparées pour la venue imminente de l’exploitation minière de Toliara Sands, alors que ce dernier est contraint de reporter le début de son intervention pour 2020. La formation du groupe d’accueil en cuisine et restauration est donc bénéfique pour les deux composantes ainsi que pour les différents bénéficiaires de leurs activités : les deux femmes ont eu l’opportunité de partager et d’améliorer leurs connaissances tandis que les membres du comité d’accueil ont eu l’occasion d’améliorer leurs compétences en termes d’accueil et de restauration des touristes qui visiteront leurs Aires Protégées. Cette formation a été un moyen de capitaliser les acquis des jeunes femmes bénéficiaires, et de mieux se préparer à l’avènement de la compagnie minière. En attendant l’effectivité de ce projet, la dotation d’ustensiles de cuisines aux 7 femmes formées est dans le programme afin qu’elles puissent perfectionner leurs acquis pour favoriser leur développement économique.

Par rapport à la formation sur la gemmologie simplifiée, une évaluation post formation a été conduite une année après la première série de formation. Cette évaluation a montré que les gens ont bien assimilé toutes les astuces d’identification des pierres précieuses malgré leurs faibles niveaux intellectuels. Les outils octroyés durant la formation sont bien utilisés. En effet, durant l’évaluation, tous les participants ont emmené avec eux le manuel de formation ainsi que le kit d’identification des pierres précieuses. Par rapport au prix des produits, les gens formés affirment que les acheteurs revendeurs commencent à respecter les artisans miniers formés car on ne peut plus les profiter de leurs méconnaissances sur la qualité des pierres et l’estimation de leurs valeurs. En outre, on peut noter aussi que les gens commencent à collecter les autres pierres que le saphir. Les femmes qui travaillent dans la vente des saphirs de petite taille commencent à

commercialiser aussi d’autres pierres précieuses et semi-précieuses comme le Topaze et le Grenat. Cette activité complémentaire a permis de rehausser leurs revenus de par la vente de pierres plus diversifiées avec un plus large éventail de clients.

Concernant la formation en lapidairerie et la fabrication de bijoux de fantaisie, la moitié des 30 femmes bénéficiaires arrivent maintenant à produire des bijoux de qualité respectant les normes de fabrication. Elles ont été évaluées par le formateur comme aptes à participer à la formation de taillage des pierres précieuses, prévue en 2018. La lapidairerie est plutôt réservée aux hommes à Madagascar, et cette formation constitue une occasion aux femmes bénéficiaires d’avoir une certaine égalité de chance pour s’épanouir économiquement. Les pierres taillées sont essentiellement constituées de jaspe et d’agate. Auparavant, les collecteurs achètent ces pierres à raison de 1 500 Ariary (0,40 euro) le kilo. Actuellement, avec la valorisation des pierres par le biais de leur taillage et leur transformation en bijoux, les femmes arrivent facilement à écouler jusqu’à 30 000 Ariary (8.10 euros) un bout de jaspe ou d’agate de moins de 50 grammes. Cet exemple confirme une nette progression des conditions économiques des femmes bénéficiaires par le biais de ces séries de formation en lapidairerie simplifiée et fabrication de bijoux de fantaisie. Pour la pérennisation de cette activité, d’autres séries de renforcement de capacité sont nécessaires. A l’instar de ces séries de développement de capacité, on peut noter la formation en cours sur la culture d’entreprenariat avec le business plan, la construction d’un atelier de lapidairerie avec un shop pour la vente des produits. A partir de 2018, nous comptons mettre en oeuvre une feuille de route adaptée au contexte malgache afin d’instaurer toutes les conditions nécessaires à l’adhésion au commerce équitable qui sera la première dans le secteur Mines Artisanales Malgache. La mise en oeuvre de cette feuille de route améliorera les considérations environnementales, sociales et économiques dans le secteur. La composante « mines Artisanales » du PAGE/GIZ Madagascar aura comme principale tâche l’atteinte de cet objectif.

CONCLUSION
Pour conclure, le projet de réinsertion des femmes marginalisées dans le secteur minier a contribué à l’amélioration de la capacité des femmes en matière organisationnelle qu’économique. Il a également été constaté la complémentarité des composantes dans le processus de mise en oeuvre et d’impact des interventions au niveau du Programme. Le slogan de la GIZ en matière de « genre », « l’égalité, un atout pour tous », a été bien mis en évidence dans cette approche.

L’équipe de la rédaction :
– RAZAFINIAINA Saholy Tiaray, Conseillère Technique de PAGE/GIZ
– RABEMANANTSOA Andry Vahatriniaina, Conseiller Technique de PAGE/GIZ
– MAHASOA Thierry, Conseiller Technique de PAGE/GIZ